Les prisons du monde

L'exception penale des pays nordiques: une politique volontariste et ambitieuse

A quoi sert une prison ?

 

La réponse vient assez naturellement ; assurer la protection de la société, conserver l’équilibre social, transformer le comportement des criminels et empêcher la récidive. Pourtant, dans de nombreux de pays, le système carcéral ne semble pas remplir ses missions. Conditions de détention difficiles, réinsertion professionnelle quasi inexistante… Le taux de récidive est, par exemple, de 66% aux États-Unis et de 38% en France.

 

Pourtant, quelque part au Nord, il existe une sorte d’eldorado carcéral, au taux de récidive fabuleusement bas de 20%. Ce taux de dépasse d’ailleurs jamais les 30% dans les autres pays de la région scandinave. 

 

Les habitants des pays scandinaves sont-ils plus enclins à entendre raison que nous ? Sommes-nous, par nature, plus susceptibles de commettre un acte délinquant ? Assurément non… Alors comment expliquer une telle différence ? Zoom sur une politique carcérale bien particulière, basée non pas sur la sanction, mais sur le bien-être et la réinsertion des détenus.

 

 

Une politique volontariste et ambitieuse

 

La Finlande affiche l’un des taux de détention les plus bas d’Europe. Depuis plusieurs décennies, le pays enregistre une baisse continuelle du nombre de détenus, alors que dans la plupart des pays européens, dont la France, ce chiffre augmente. La Finlande est aussi parvenue à diviser son nombre de prisonniers par 3 depuis 50 ans, et compte désormais 3000 détenus. En France, on comptait au 1er janvier 2020, 70 000 détenus pour 60 000 places opérationnelles, soit un taux d’occupation de 116%. Hausse de la délinquance, mais surtout durcissement des politiques pénales expliquent la situation française.

 

La Finlande, depuis longtemps, ne suit pas la même voie que nous, et mène une politique réductionniste. Dans les années 1960, le pays prend conscience de la surpopulation carcérale et des mauvaises conditions de détention. Il décide alors d’entamer un basculement idéologique. L’accent n’est plus mis sur la sanction ; le pays souhaite lutter contre la délinquance en la prévenant. Convaincu qu’une bonne politique sociale est la meilleure politique pénale possible, le pays investit dans les écoles, le travail social et l’aide aux familles plutôt que dans les prisons.

 

Progressivement, la Finlande change de philosophie : on ne cherche pas à faire respecter la loi par la dissuasion et la menace de la sanction, mais par la confiance et le renforcement d’un système juste, équitable. La prison est vue comme un nouveau départ ; les détenus sont vus comme des hommes et femmes perdues dans la société, qu’il faut aider.

 

Concrètement, que donne ce basculement idéologique ?

 

-       Des prisons qualitatives 

 

Bien loin des prisons françaises (et encore plus loin des prisons américaines), les prisons scandinaves sont remarquablement bien équipées. Elles ne ressemblent pas à une prison telle qu’on a tendance à l’imaginer. Dans le Nord, elles sont accueillantes, car les États estiment que la privation de liberté constitue une peine suffisante. Murs peints, grandes fenêtres et surtout, une multitude d’équipement : télévision écran plat, bibliothèques, instruments de musiques, pièces communes pour favoriser la convivialité entre détenus… Tout est pensé pour rendre la vie des détenus agréable. D’ailleurs, les gardiens ne sont pas armés et sont encouragés à communiquer le plus possible avec les détenus.

 

-       Un accompagnement social et psychologique 

 

Les pays scandinaves sont convaincus qu’une thérapie comportementale est la meilleure manière de réinsérer un homme qui s’est détourné des codes moraux de la société. Ainsi, les détenus sont accompagnés et bénéficient de thérapies cognitives, qui les aident à comprendre les éléments déclencheurs de leurs actions, sans minimiser leurs effets.

 

-       Développement d’alternatives à l’emprisonnement 

 

Une peine prison classique n’est plus vue comme l’unique moyen de sanctionner et réinsérer un homme. La Norvège, la Suède et la Finlande favorisent la probation, c’est-à-dire la substitution d’une peine de prison par une série d’activités obligatoires (travail ou formation, suivi par les personnels d’insertion et de probation). Le but est de favoriser la réintégration sociale.

 

La politique scandinave passe aussi par une réduction de la durée des peines pour les délits mineurs, et par le développement de la libération conditionnelle. En Finlande, la libération continuelle intervient d’office à la moitié de la peine (ou aux 2/3 pour les revisites). Cela permet de réguler les taux d’incarcération du pays.

 

 

-       Les prisons ouvertes

 

Voici une forme originale d’alternative à l’emprisonnement. Dans un fjord au large d’Oslo, en Norvège, l’île de Bastoy a été aménagée en prison ouverte, sans murs ni barreaux.  Les 150 détenus s’y déplacent librement et travaillent dans des étables ou des serres, entourés de gardiens non armés. Le but : responsabiliser donner un maximum d’autonomie au détenu.

 

Tout est fait pour que les détenus ne soient pas exclus de la société. En apprenant un métier par exemple, leur réintégration dans la société à leur sortie de prison sera bien plus simple et efficace.

Ces prisons ouvertes, qui peuvent sembler idylliques et trop belles pour être vraies, concernent pourtant 20 à 30% de la population carcérale du pays.

 

Certains pointeront du doigt l’énorme coût financier qu’engendre de telles infrastructures. A cela, les pays scandinaves répondent que le coût humain et social est bien plus important lorsque le système carcéral est inefficace et les prisons bondées.

 

Il ne faut pas non plus oublier qu’une prison ouverte n’est pas un paradis. Quel que soit le conforme matériel, un détenu reste bel et bien privé de liberté. Il y a une surveillance continue, des règles à respecter, des sanctions. Mais les détenus sont respects dans « le respect de la dignité humaine » comme l’indique la loi suédoise. La prison est vue comme une simple privation de liberté. Voilà le point de vue que défendent les pays scandinaves : plus les conditions de détention sont bonnes, proches de la vie « dehors », plus la réintégration des détenus sera efficace. 

 

 

 

« Personne ne connait vraiment une nation avant d’avoir été dans ses prisons », affirme Nelson Mandela. Selon lui, la manière de traiter les prisonniers en dit beaucoup sur la culture morale des pays. 

 

Le système carcéral a tendance à révéler les failles de la société. Peut-être devrions nous nous inspirer du modèle pénitentiaire scandinave et repenser nos modes d’incarcération et de réinsertion, pour le bien-être de la société entière.