La prison de Bastoy : itinéraire d'une reconversion réussie

La prison de Bastoy : de camp de détention pour jeunes délinquants à prison « la plus agréable au monde », itinéraire d’une reconversion réussie.

 

Human Ecology: More Than Environmental Ethics | Pulitzer ...

 

Cette prison a été surnommée « la prison la plus agréable au monde ». A la prison de l’île Bastoy, en Norvège, les 115 détenus, parmi lesquels des coupables de meurtre et de viol, vivent en communauté dans un cadre de vie confortable et pensé de manière à limiter la souffrance de l’enfermement. Maisons avec chambre personnelle, possibilité d’exercer une activité manuelle (que ce soit de l’agriculture, des travaux forestiers ou de la maintenance des infrastructures de l’île) ou de loisir telles que la randonnée ou l’équitation, église, école et bibliothèque à disposition, , tous les moyens sont bons pour prévenir la récidive et réinsérer de la manière la plus sereine possible les prisonniers dans la société. A Bastoy, les gardes, qui sont au nombre de 69 parmi lesquels seuls 5 restent la nuit, s’apparentent davantage à des travailleurs sociaux : formés durant trois ans (durée exceptionnellement longue pour ce type de métier), ils sont habilités à accompagner les détenus dans leur démarche de réinsertion et sont ainsi à même de faire de la prison un lieu de transition plutôt qu’une impasse inefficace. 

Ces éléments découlent d’une vision bien précise de la place de la prison dans la société norvégienne : délivrée de son rôle cathartique de « vengeance » infligée à l’auteur d’un crime, la prison ne doit pas infliger d’autre souffrance que celle de la perte de la liberté (la peine de mort ou la prison à vie ne peuvent être prononcées en Norvège). Ce raisonnement, qui émane d’experts plutôt que de politiciens, semble porter ses fruits. La Norvège dispose en effet d’un taux de récidive de 30%, c’est-à-dire extrêmement bas par rapport à la moyenne européenne qui s’élève à 70%. Celui de la prison de Bastoy s’établit lui à 16%. Contrairement aux idées reçues et à un argument souvent avancé par les partisans du tout-carcéral, ce dispositif est parmi l’un des moins coûteux : arrivée à un stade d’auto-suffisance, la prison de Bastoy arrive même à dégager un surplus de production qu’elle revend ensuite sur le continent. Elle est ainsi, grâce à l’entremêlement de ces approches humaine (une place toute particulière est donnée à la compréhension et au respect de l’autre) et socio-écologique (au sens où toutes les activités de lien social sont pensées de manière à avoir l’impact en terme de pollution le plus petit possible) la première « prison écologique » au monde.

L’histoire de l’établissement ne laissait pourtant pas présager une telle évolution. De 1900 à 1970, l’île a en effet hébergé un centre pour jeunes délinquants, période marquée par une rébellion en 1915. Le film norvégien Kongen av Bastoy (Les Révoltés de l’Île du Diable) la raconte tout en mettant en évidence la brutalité du monde carcéral de l’époque et la chappe de plomb qui l’entoure. La prison y est un piège, une impasse, un lieu où les détenus sont déshumanisés, bâillonnés et les proies des pires abus. 

 

La prison du Bastoy et son histoire mettent ainsi face à face deux systèmes carcéraux radicalement différents : l’un centré sur la répression et la mise au ban de la société, l’autre focalisé sur la reconstruction, la transition et la réintégration. Son itinéraire et son histoire  montrent bien que le passage d’une dynamique carcérale est d’une part possible et d’autre part ne peut se faire efficacement qu’avec la réunion de certains éléments, dont l’écoute et la prise en compte de la recherche.