Les peines alternatives à l'emprisonnement

Toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate.” Voici ce que déclare le deuxième paragraphe de l’Article 132-19 du Code Pénal, qui prévoit donc l’emprisonnement comme une mesure de dernier recours. Cependant, nous observons que la prison est toujours la peine de référence aujourd’hui en France alors qu’il existe de nombreuses alternatives à cette incarcération. Bien qu’il y ait un large consensus sur l’efficacité et l’intérêt de ces peines alternatives, et malgré les affirmations des instances européennes pour recourir plus largement à ces mesures non carcérales, elles ne sont que peu utilisées. 

 

Quelles mesures alternatives ?

Les mesures alternatives sont nombreuses, et elles ne répondent pas toutes au même objectif. Il existe en premier lieu des alternatives à la détention provisoire. Ces mesures pré-sentencielles permettent d’éviter d’attendre en prison de paraître devant un juge. Le contrôle judiciaire est une mesure qui permet de soumettre une personne à une ou plusieurs obligations jusqu’à sa comparution devant une juridiction de jugement; nous pouvons rajouter une modalité en plus qui impliquerait un accompagnement spécifique si nécessaire. Il est aussi possible d’assigner à résidence quelqu’un sous surveillance électronique. 

Il existe d’autres sanctions, qui, quant à elles visent le patrimoine des délinquants. Il y a l’autre peine de référence du droit pénal avec l’amende. Les jours-amendes sont des amendes à payer en plusieurs fois, le montant est fixé par un juge qui donne ensuite un nombre de jours, le délinquant devant alors payer une certaine somme quotidiennement pour arriver au montant défini. Les peines de confiscation permettent quant à elles de confisquer des biens. 

Elles peuvent aussi faire office d’avertissement, avec le sursis simple. La peine de sursis dispense la personne d’exécuter tout ou une partie de la peine. Cette période n’est pas exécutée seulement si le condamné n’est pas de nouveau condamné dans les 5 ans suivants. 

 

D’autres peuvent être prononcées dans un objectif de surveillance ou d’accompagnement social. Le sursis probatoire réunit le sursis avec des obligations, ou alors est doublé d’une peine de travaux d’intérêt général. Il y a aussi le placement sous surveillance électronique, avec un bracelet électronique qui envoie une alarme lorsque le condamné s’absente de son domicile en dehors des horaires autorisés. Il y a environ 13 133 personnes sous surveillance électronique en France. L’accompagnement social est très présent dans le régime de semi-liberté qui est un régime de détention hybride. En effet, les détenus sont libres de sortir la journée mais doivent revenir tous les soirs dormir dans leur cellule. Les quartiers de semi-liberté prennent en charge un total de 963 condamnés. Cela permet au détenu d’avoir un emploi à côté ou de suivre une formation la journée.  

Les peines peuvent être aussi citoyennes, avec comme exemple le plus connu les sanctions de travaux d’intérêt général. C’est un travail non rémunéré au sein d’une association ou d’une collectivité pour une durée de 20 à 210h. Il est aussi possible d’effectuer un stage de citoyenneté ou de sensibilisation à la sécurité routière, ce qui permet de former le condamné pour qu’il puisse prendre conscience de ses actions. La sanction peut aussi être réparatrice, avec des paiements de dommages et intérêts par exemple. 

Enfin, il existe des mesures restrictives de droit, qui imposent des restrictions à la personne condamnée. Elle peut avoir l’interdiction de conduire, d’ aller dans un certain endroit, de s’approcher d’une certaine personne etc… 

 

Quelles limites pour ces alternatives ?

Ces diverses mesures constituent des alternatives ou des compléments à l’emprisonnement, mais de nombreux obstacles nuisent à leur crédibilité. En effet, il y a un certain temps entre le prononcé des peines et l’exécution, il peut s’écouler entre 6 et 8 mois entre un jugement et la réception du dossier par les autorités compétentes. Pour la peine de Travail d’intérêt général, la complexité de sa mise en œuvre et les difficultés pour trouver des structures d’accueil volontaires forment de véritables obstacles à un recours plus systématique de cette peine. Les peines alternatives sont crédibles seulement si le contrôle sur les personnes condamnées est efficace. Malheureusement il existe un véritable déficit d’information des forces de l’ordre sur les mesures exécutées sur leurs territoires (des interdictions d’accéder à certains lieux par exemple). Ce manque peut entraîner des conséquences graves notamment dans le cas des violences conjugales.

Pour ce qui est du bracelet électronique, les personnes qui le subissent soulignent le caractère contraignant de la mesure et une forte anxiété. Les obstacles sont aussi matériels. Pour le régime de semi-liberté, les conditions d’hébergement des personnes sont problématiques. Le taux d’occupation est souvent élevé et les locaux sont vétustes. De manière plus globale, l’insuffisance de moyens des services (magistrats, conseillers pénitentiaire etc) a des effets négatifs sur la qualité de la prise en charge des condamnés. 

 

Ces mesures sont majoritairement bien perçues dans l’opinion publique et de nombreuses institutions veulent les promouvoir. Encore faut-il que ces peines soient efficaces, qu’elles permettent réellement d’éviter la récidive. Il semble que le taux de recondamnation dans les 5 ans suivant l’exécution de la peine soit plus faible pour les personnes qui n’ont pas reçu de peine carcérale que pour ceux qui sont allés en prison. Il est cependant très difficile de faire des comparaisons : l’étude de trois chercheurs, messieurs Kilias, Villettaz et Zoder en 2006, conclut qu’il est impossible de formuler une comparaison générale de ces deux modes indépendamment de la prise en compte de leur nature, de leur contenu et de leur durée. Il y a aussi un autre point qui soulève le débat. Ces mesures ont été introduites pour se substituer aux peines privatives de liberté. Or nous assistons plutôt à une hausse de la population carcérale. Ces peines ont surtout élargi le filet pénal, et elles viennent parfois remplacer un vide de mesure pénale ou une mesure moins restrictive mais rarement la prison. 

 

Les peines alternatives à la prison sont nombreuses et sont des solutions adéquates dans de nombreux cas. Elles manquent cependant d’efficacité dans leur mise en place et dans leur contrôle. Il existe en effet des obstacles d’efficience et des limites matérielles empêchant ces alternatives d’être crédibles, et réellement efficaces afin d’éviter la récidive et de s’imposer enfin comme une véritable alternative à la prison. 


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