Marie Besnard

Le cas de Marie Besnard a passionné toute la France à la fin des années 40. Etait-elle une veuve noire, tueuse en série avec le poison pour arme favorite et l’argent comme but? A-t-elle tué des membres de son entourage pour empocher héritages et assurances vie ? Ou bien a t-elle été victime de la rumeur? Retour sur l’affaire.


Un mort de trop

Envoyée dans le village Loudun par son père quand elle était jeune, Marie Besnard y rencontre son mari Léon Besnard mais ne parviendra jamais à véritablement s’intégrer.

Pourtant, le couple mène une vie agréable et plutôt facile pendant 18 ans : ils touchent plusieurs héritages suite à la mort de pas moins de 10 de leurs proches, entre 1938 et 1945. A l’époque, ces décès dans leur entourage n’ont intrigué ni les habitants du village, ni les autorités de la ville, étant donné l'âge avancé des défunts. Rien ne présage de ce qui va suivre.

C'est la mort de Léon Besnard, l'époux de Marie, décédé à la suite d'une crise d'urémie le 25 octobre 1947, qui va semer le doute dans les esprits.

Peu après les funérailles, Mme Pintou se présente à la gendarmerie pour parler d'une mystérieuse soupe empoisonnée préparée par Marie à son époux. Ce serait Léon lui-même qui lui aurait fait part de ses soupçons, peu de temps avant sa mort: ''L'autre jour, quand elle a servi la soupe, il y avait déjà un liquide dans mon assiette". Le mot "arsenic" est utilisé. L'inspecteur Normand qui l'auditionne semble convaincu par ce témoignage. L'affaire Marie Besnard est ouverte.

A Poitiers, le juge d'instruction Pierre Roger ordonne, le 9 mai 1949, de procéder à l'autopsie du corps de Léon. Dans son rapport, le docteur chargé de l'expertise est formel: des doses anormales d'arsenic ont été décelées dans les organes du défunt et il n'y en a pas dans la terre du cimetière. L'empoisonnement est bel et bien prouvé. Le 21 juillet, Marie Besnard est interpellée et conduite à la maison d'arrêt de Poitiers.

La presse locale s'empare de l'affaire et la rumeur publique fait le reste. « La bonne dame de Loudun » comme on la nomme, est connue de tous les français et alimente les conversations. On la décrit comme une femme "anormalement normale", vénale et sans pitié. La théorie du mari gênant, victime d'un crime passionnel, est d'abord retenue. Mais l'opinion préfère le mobile de l'appât du gain. Un crime prémédité et commis de sang-froid semble mieux convenir à cette femme, à l'apparence austère.

La rumeur persiste et elle finit par être soupçonnée d'avoir voulu empoisonner son mari, mais aussi tous ceux de qui elle avait des chances d'hériter. Les morts consécutives qui ont entouré la famille des années auparavant vont donc refaire surface : plusieurs corps sont ainsi exhumés et les prélèvements envoyés à Marseille. Excepté deux cas, l'expert marseillais conclut à un empoisonnement criminel. Les contre-expertises demandées par la défense sont refusées : la compétence du Docteur Béroud chargé de l’affaire est indiscutable.

 

Deux procès qui démantèlent l'accusation

Le procès de l'accusée la plus populaire de son temps s'ouvre le 20 février 1952, à Poitiers. Maitre Gautrat, un des 2 avocats de Marie Besnard,  va démontrer que l'analyse des restes des corps n'a pas été faite correctement : un expert confirme avoir analysé la terre du cimetière et découvert dedans des traces d'arsenic, alors que le Dr Béroud disait n'en avoir pas trouvé.  Serait-il possible que des cadavres puissent avoir absorbé l'arsenic contenu dans la terre? L'accusation est ébranlée, le procès renvoyé devant la Cour d'Assises de Bordeaux.

 

Le deuxième procès de Mme Besnard s'ouvre donc à Bordeaux, le 15 mars 1954. Après plusieurs témoignages dont celui de Mme Pintou à l'origine de l'enquête un autre va venir ruiner l'accusation : le gardien du cimetière reconnaît en effet avoir cultivé des pommes de terre qu'il traite avec des produits contenant des arséniates. Entraînés dans les eaux, ils gagnent les tombes et imprègnent les cadavres...

Ces observations inédites remettent la culpabilité de Marie Besnard en question puisque les traces d'arsenic retrouvées sur les corps pourraient provenir de la terre où ils ont été inhumés. Des dernières expertises sont ordonnées et Marie Besnard est mise en liberté provisoire sous caution.

Trois ans s'écoulent entre la nomination des nouveaux experts et la remise de leur rapport. C'est finalement le 20 novembre 1961 que le troisième procès s'ouvre à Bordeaux.

Même si les experts de l'accusation concluent à la "haute probabilité" de l'imprégnation d'arsenic sur les corps, il n'est plus possible de suivre une voie aussi hasardeuse. Les témoins de l'accusation, peu nombreux cette fois, ne sont pas plus convaincants.

Le verdict est ainsi prononcé le 12 décembre 1961 : Marie Besnard est acquittée par le jury, à l'unanimité des voix, au bénéfice du doute.

De retour à Loudun, Marie Besnard publiera ses Mémoires, en 1962. Elle mourra en 1980 et fera don de son corps à la science, ayant toujours refusé d'être enterrée dans le cimetière de Loudun.