En 2017, une vague de massacres a eu lieu dans les prisons brésiliennes à cause des guerres de gangs. Des actes de barbarie ont été infligés à des centaines de détenus quotidiennement ; des tueries de masse, des corps démembrés, des cœurs arrachés avec pour seul message : “le sang se paie avec du sang”. Cette guerre impitoyable entre gangs rivaux au sein des prisons n’est qu’une prolongation inévitable de celle connue dans les favelas. Les détenus se retrouvent donc face à une fatalité : tuer son ennemi ou se faire tuer.
Comme l’évoque le cas des prisons brésiliennes, le séparatisme est indéniable au sein de nombreuses prisons. Ce dernier se manifeste notamment à travers des délimitations au sein des dortoirs (lorsque ceux-ci sont partagés par différentes communautés, en raison de la surpopulation carcérale). En Californie par exemple, dans la prison de Salinas Valley, les détenus refusent d’utiliser les mêmes toilettes, les mêmes douches ; personne ne doit toucher aux affaires de l’autre sous risque de représailles. Cette initiative s’inscrit dans une optique de ségrégation raciale, qui oppose notamment, et surtout, les Blancs face aux Mexicains du Sud. En effet, au sein de cette prison, 70% des détenus appartenaient à un gang avant leur incarcération. Ainsi, la volonté de reformer ces gangs pour perpétuer leur influence au sein même des établissements pénitentiaires et vivre en autarcie, semble inévitable.
Croire que la guerre des gangs ne concerne que les prisons étrangères serait se méprendre. En juillet 2023, cinq détenus de la prison de Perpignan ont été hospitalisés. L’un d’entre eux a été tabassé par 20 autres détenus. À la suite de quoi, le clan du blessé a répondu en blessant 4 autres détenus à coups de morceaux de verre. La raison à l’origine de telles violences ? Une volonté des détenus locaux de prendre le dessus sur les détenus “clandestins” ** quant au trafic de drogue.
Si la surpopulation carcérale, les conditions de vie indignes des prisonniers, la persistance du narcotrafic et le trafic d’armes sont à l’origine des conflits, certains envisagent la séparation comme un moyen pour limiter les conflits internes. En effet, comme le rappelle The Association For The Prevention Of Torture (APT), “la séparation a pour fonction première d’assurer la protection et la sûreté des personnes privées de liberté, ainsi qu’à garantir une gestion optimale des prisons”. En France par exemple, ce principe est appliqué pour séparer les femmes des hommes, les mineurs des majeurs, les prévenus des condamnés mais il est aussi envisagé pour les personnes handicapées, les détenus avec des identités de genre différentes, les minorités ethniques… Dans la prison californienne de Salinas Valley également, les détenus visés par les assauts des gangs ennemis sont placés à l’isolement pour assurer leur protection, aussi paradoxal que cela puisse paraître.
Finalement, la prison peut parfois être perçue comme une “école du crime” où les conflits se perpétuent plutôt qu’une institution qui vise à réinsérer les détenus. À ce sujet, vous pouvez voir la série El Recluso (Le Détenu) qui retrace la difficulté pour un nouvel arrivant d’une prison mexicaine d’intégrer un gang pour survivre face à la menace des gangs adverses.
*Séparatisme : volonté d’une minorité, généralement religieuse, de placer ses propres lois au-dessus de la législation nationale.
**Clandestin : appellation utilisée par les détenus locaux pour qualifier les détenus qui ne sont pas originaires des Pyrénées-Orientales.
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