Prison en surchauffe : l'urgence climatique

Alors que le changement climatique aggrave de multiples crises dans le monde, l’univers carcéral, souvent ignoré, n’échappe pas à ses conséquences. En France, les prisons, déjà marquées par la surpopulation et des conditions de vie difficiles, subissent de plein fouet les impacts environnementaux. La gestion des établissements pénitentiaires doit évoluer pour répondre non seulement aux enjeux climatiques, tout en continuant de répondre aux défis sociaux et humains. Dès lors, comment le changement climatique affecte les prisons ? Doit-on réagir ? 

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La surpopulation carcérale : un terreau fertile pour la crise climatique

Avec un taux d’occupation moyen de 120 %, la surpopulation carcérale française exacerbe les défis liés au changement climatique. Les cellules surchargées, sont le plus souvent mal ventilées et souvent insalubres. Elles deviennent alors invivables lors des canicules. Un centre pénitentiaire de Grenoble-Varces (Isère) a notamment dépassé la barre des 50°C cet été. Cette chaleur est retenue par les bâtiments, construits en béton et souvent dans un état déplorable fait suffoquer les établissements pénitentiaires, en manque d’air. Dans ces températures extrêmes, la promiscuité devient insoutenable et renforce les tensions entre détenus mais aussi multiplie les incidents.

 

L’autre défi que connaissent de nombreuses prisons françaises est qu’elles sont construites sur des terrains industriels désaffectés ou contaminés. Cela concerne 7 prisons sur 10 et 94% des prisons en Ile-de France. Le problème majeur de ces terrains est la pollution de leurs sols. Déjà préoccupante, cette pollution peut s’aggraver sous l’effet du réchauffement climatique, notamment à cause de la modification des nappes phréatiques. Ces sols pollués augmentent alors les risques pour la santé des détenus et du personnel.

 

Dès lors, ces espaces, mal exploités, ne pourraient-ils pas être transformés en zones écologiques bénéfiques pour l’environnement mais aussi pour le détenu ?

Des espaces verts pour réduire la violence

Les espaces verts en milieu carcéral ne sont pas qu’un luxe, ils représentent une solution concrète pour atténuer les tensions. Une étude menée par l’Université de Birmingham sur les espaces verts révèle qu’une augmentation de 10 % des espaces verts dans une prison réduit :

  • Les agressions entre détenus de 6,6 %,
  • Les automutilations de 3,5 %,
  • Les agressions contre le personnel de 3,2 %.

Ces chiffres soulignent l’importance d’intégrer la nature dans les établissements pénitentiaires. En plus d’améliorer la santé mentale des détenus, ces espaces verts pourraient participer à la réinsertion en permettant des activités pédagogiques et agricoles.

 

Cependant, l’idée d’aménager des espaces verts ou d’améliorer les conditions climatiques en prison suscite souvent des critiques.  Certains considèrent que ces mesures pourraient être perçues comme un traitement trop clément pour les détenus. En effet, seulement 18 % des Français en 2018 considère que “les personnes détenues sont trop bien traitées”. Il est bon de rappeler que la prison n’est pas seulement un lieu de punition, mais aussi un espace de réhabilitation.

 

Des conditions de vie décentes sont nécessaires pour préserver la dignité humaine et favoriser la réinsertion. Ignorer ces besoins, c’est non seulement aggraver les inégalités, mais aussi compromettre la sécurité publique à long terme.

Que font les autres pays à propos de la transition écologique du domaine pénitentiaire ?

Dans les mauvais élèves, on peut citer les États-Unis, pays qui a connu un enchaînement de catastrophes écologiques sans précédent, événements exceptionnels mais qui ont impacté grandement leurs prisons. Durant les incendies géants de Californie de 2021, Les détenus des deux prisons de Susanville sont restés plongés un mois dans l’obscurité, sans électricité, à respirer les fumées des feux, dans les fortes chaleurs, avec le stress et la peur face à l’avancée de l’incendie. Un autre exemple est lors de l’ouragan Katrina, en 2005, des milliers de détenues se sont retrouvés piégés entre les murs de la Orleans Parish Prison. Le personnel avait évacué la prison en laissant les détenus enfermés dans leurs cellules sans nourriture, sans eau, sans air, et sans électricité, en dépit de l’inondation de la prison. Les détenus ont fini par casser les fenêtres pour faire signe aux services de secours. Ces incidents risquent de se multiplier dans le futur, mais ces détenus méritent-ils de vivre ces tragédies de cette manière ?

 

Dans les pays nordiques aux prisons à ciel ouverts comme au Danemark, des subventions massives ont été débloquées pour financer la transition écologique du système. Ce pays au taux de récidive de 25%, là où la France est à plus de 60%, ne doit-il pas être un modèle ?

Vers une réforme écologique et humaine des prisons

Le changement climatique, combiné aux problèmes structurels des prisons françaises, constitue une bombe à retardement. Des solutions existent :

  • Investir dans la rénovation écologique des établissements,
  • Dépolluer les sols et aménager des espaces verts,
  • Modifier la perception publique en expliquant que des conditions de vie dignes en prison profitent à toute la société.

Un exemple concret pourrait être la « stratégie climat 36 » développé par le département de l’Indre depuis 2019 pour ces deux prisons : le centre pénitentiaire de Châteauroux et la mission centrale de Saint-Maur. Une rénovation énergétique est primordiale et plusieurs idées ont été soumises afin de transformer durablement la prison dans les années à venir. Le projet, ambitieux, d’une ferme en aquaponie (dont le principe est d'utiliser les déjections des poissons de l'élevage pour nourrir les plantes cultivées hors-sol grâce à l'action de bactéries spécifiques) est alors en cours de réflexion. 

 

Une telle réforme permettrait non seulement de répondre aux défis environnementaux, mais aussi de transformer les prisons en lieux favorisant la réinsertion et la justice sociale.

 

En somme, traiter les prisonniers avec respect et dignité, loin d’être un privilège, est une étape essentielle pour construire une société plus équitable et résiliante face aux crises à venir.


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Sources